Frédéric Lenoir :

" Les enfants ont cette capacité extraordinaire à questionner le monde, à s'interroger, à s'émerveiller, à réfléchir, à confronter leurs raisonnements, bref à philosopher. Comme le rappelait Montaigne, on devrait surtout proposer aux enfants, dès le plus jeune âge, d'avoir une tête "bien faite" et non pas une tête "bien pleine". Plutôt que d'assimiler des concepts, les enfants pourraient apprendre à débattre en respectant des règles, à développer l'esprit critique, le discernement, ainsi qu'une pensée personnelle reposant sur des arguments rationnels, et pas sur des croyances ou des opinions. 

La méditation, conçue ici comme pratique laïque de l'attention, permet aux jeunes de calmer l'agitation de leurs pensées, d'être davantage présents et concentrés. 

 

Les ateliers philo passionnent les enfants pour plusieurs raisons. D'abord parce que c'est un des seuls espaces où ils peuvent dire ce qu'ils pensent sans répéter un savoir appris, ni se sentir jugés ou notés. 

Ensuite, les enfants adorent aborder les grandes questions de la philosophie existentielle : le bonheur, la vie et la mort, les émotions et les sentiments, la relation à soi-même et aux autres, etc. Ils ont peu d'occasions de parler de ces questions, de dire ce qu'ils en pensent. Enfin, ils découvrent les vertus du débat d'idées. Ils apprennent vite à passer de la confrontation stérile des opinions et des croyances à l'élaboration d'une pensée, ce qui suppose l'écoute de l'autre et la recherche d'arguments susceptibles de faire progresser la réflexion commune. 

Une véritable révolution est en marche un peu partout dans le monde éducatif : la recherche d'un meilleur développement de la créativité, de leur intelligence émotionnelle, de leur esprit critique et de leur responsabilité citoyenne. Je suis heureux de pouvoir apporter ma contribution à ce mouvement, car je reste convaincu que l'amélioration du monde, et notamment la lutte contre le fanatisme, passe par l'éducation de nos enfants. Principalement par l'éveil de leur capacité à gérer leurs émotions et à développer une lucidité, une véritable liberté et sérénité intérieure. 

Il s'agit de ne rien attendre, d'être simplement présent, ici et maintenant, dans son corps. Pour ne pas être sans cesse pris dans le flux de nos pensées et de notre imaginaire, nous développons une attention au toucher, aux odeurs, aux sons, à ce nous voyons et goûtons. Cette attention au corps permet à l'esprit de s'apaiser. 

Y a t il un âge pour commencer à philosopher ? 

S'il s'agit d'une réflexion conceptuelle impliquant la lecture des grands auteurs, alors en effet il est difficile de philosopher avant d'être capable de lire des textes parfois ardus. Mais ne peut-on aussi concevoir cette discipline à la manière socratique, soit comme un questionnement exigeant qui permet à la raison de progresser et à la pensée de s'affiner ? Il n'est pas question, dans ce cas, d'acquérir un savoir, mais d'apprendre à penser. Dès lors, il n'y a pas vraiment d'âge pour commencer ! C'est ainsi qu'on parlera à juste titre, concernant les enfants, d'ateliers "à visée philosophique". L'animateur ne va pas chercher à leur transmettre des connaissances, comme en classe de terminale, mais les aider à développer une pensée personnelle, un esprit critique, une capacité, au-delà des croyances et d'opinions, à raisonner. Et, comme ce sont des ateliers de groupe, l'enfant apprend à écouter les autres, à dialoguer à argumenter. 

"Le plaisir, c'est quelque chose que j'ai envie d'avoir. Le bonheur, c'est une joie partagée avec les autres". Marie (10 ans) 

"Il vaut mieux être mortel, parce que si on était immortel, on ne pourrait pas être enfant, ado, adulte et vieux, et ce serait dommage !" Léa (11 ans) 

"Un ami, c'est quelqu'un qui peut sacrifier sa vie pour nous." Meriem (9 ans) 

"Un philosophe c'est quelqu'un qui regarde plein de choses avec une longue vue". Yhssane (7 ans)

"La méditation, c'est quand tu n'écoutes plus rien et que tu es seul dans toi-même". Christophe (10 ans)

"Le bonheur ça se vit, et le plaisir, ça se ressent. " Marius (9 ans)

" L'amour, c'est à la fois un sentiment et une émotion. C'est un sentiment, parce que ça peut durer toute la vie, comme les parents. Mais c'est aussi une émotion, parce que quand on est adolescent, des fois, on est amoureux et ça ne dure pas". Camille (8 ans). 

"A la différence des animaux, l'être humain, il n'est jamais satisfait. Il veut toujours plus". Tess (10 ans) 

"Nous contrairement aux animaux, on est dans une espèce de compétition infinie : être le plus riche, avoir les plus beaux trucs, être le meilleur. On est en compétition avec tout le monde, alors que ça ne sert à rien du tout". Robin (11 ans) 

"Je ne suis pas sûre que Dieu existe, mais je ne peux pas affirmer non plus qu'il n'existe pas. Je pense qu'on aura des preuves au moins dans cent ans". Ella (9 ans) 

"Quand on me demande le sens de la vie, j'interprète la question comme le" pourquoi "de la vie. Et je pense que la vie n'a pas de pourquoi. Sinon, pourquoi il y a des gens qui meurent de faim et d'autres qui ont tellement d'argent qu'ils ne savent même pas quoi en faire ? Je trouve moi que la vie n'a pas de pourquoi, mais que chacun peut donner du sens à sa vie, en l'orientant de telle ou telle manière, en fonction de ses propres valeurs ". Alice (9 ans)

L'expérience de cette pratique de l'attention et d'ateliers philosophiques avec les enfants me paraît essentielle pour promouvoir l'exigence éducative. La méditation permet aux enfants de s'intérioriser, de se poser, de gérer leurs émotions et de mieux se concentrer. Les ateliers philo entraînent à la maîtrise du langage donnent des repères constructifs pour penser, organisent des discussions avec rigueur, mais non sans humour ! Ils forment à la lucidité et au jugement aiguisé. Font la chasse à la facilité. Imposent de se poser des questions vives. Favorisent le plaisir de l'échange. "