" La pleine conscience est cette aptitude de notre esprit à se tourner vers ce qui est là, ici et maintenant, à se rendre pleinement présent à chaque instant que nous vivons.
Les enfants sont au départ de petits maîtres en matière de pleine conscience. Puis ils vont grandir, apprendre à anticiper, à revenir sur leur passé.
Peu à peu, bon nombre d’enfants vont alors perdre, ou plutôt cesser d’utiliser, leurs précieuses prédispositions à la pleine conscience. Bien sûr, ils pourront apprendre à les cultiver à nouveau, une fois devenus adultes. Mais finalement, ne serait-il pas plus simple et plus logique de les aider à préserver et à cultiver ce merveilleux capital ?
Lorsque nous aidons nos enfants à vivre plus souvent en pleine conscience, nous les aidons bien au-delà de ce que nous croyons. Vivre à leurs côtés des moments de pleine conscience, représente sans doute un des plus beaux cadeaux que nous puissions leur faire. Un cadeau dont ils se serviront toute leur vie. " - Christophe ANDRE
Enfance et pleine conscience
La « pleine conscience » c’est simplement être présent de façon consciente. Etre présent ici, dans l’instant, sans juger, sans rejeter ce qui se passe, sans se laisser entraîner par l’agitation du jour.
Cette présence consciente et bienveillante génère des changements dans votre attitude et vos comportements, envers vous-même et envers vos enfants.
La pleine conscience, c’est percevoir le soleil sur la peau, sentir des gouttes salées couler sur les joues ; c’est éprouver l’irritation dans votre corps, la joie et aussi le malaise au moment où ils apparaissent. La pleine conscience, c’est être présent avec bienveillance à ce qui se passe maintenant, à chaque moment.
Les enfants sont naturellement curieux. Ils ont envie d’apprendre. Toutefois, comme les adultes ils sont souvent stressés, fatigués, vite distraits, inquiets. Beaucoup d’entre eux font trop de choses et ne font pas suffisamment. Socialement, émotionnellement, en famille et à l’école, ils ne savent plus où donner de la tête. Ajoutez à cela tout ce qu’ils doivent apprendre et mémoriser. Le bouton « marche » fonctionne, mais où se trouve le bouton « pause » ?
En s’exerçant à être attentif et consciemment présent, les enfants apprennent à s’arrêter, à reprendre leur souffle et à sentir ce dont ils ont besoin dans l’instant présent.
Libérés d’hier, libres de ce que sera demain, vos enfants s’enracinent dans le maintenant. Comme un jeune arbre, avec beaucoup d’espace pour croître et pour pouvoir être soi-même. Ce qui s’apprend dans l’enfance peut servir jusqu’à la vieillesse.
La pleine conscience permet aux enfants d’apprendre à gérer autrement les troubles ou les problèmes qui les perturbent, comme les orages dans la tête, l’impulsion à toujours bouger ou à faire immédiatement ce qui vient à l’esprit.
Le parent pleinement attentif
Comme la plupart des parents, nous accordons beaucoup d’attention à nos enfants. Pourtant, il y a des moments où nous ne sommes pas avec eux, où nous sommes absents. Il n’y a pas de recette miracle pour être un parent pleinement conscient.
Nous avons tous des problèmes, nous éprouvons du stress, de la tristesse, nous devons nous accommoder de tas de choses. Si vous parvenez à ne plus simplement chercher à éliminer ces situations, si vous arrivez à être présent à ces moments sans en réprimer certains aspects, sans vous sentir dépassé, alors vous appréhendez vraiment la réalité.
Lorsque vous voyez les « vagues » comme elles sont, vous pouvez, avec une pleine attention, faire de meilleurs choix et réagir de façon réfléchie. Dans ce cas, vous prenez conscience du fait que votre patience est à bout ou que vous êtes sur le point de devenir agressif. Et dès que vous en prenez conscience, vous avez le choix. Vous risquez moins d’être entraîné par vos émotions ou celles des autres. Vous pouvez marquer un arrêt, attendre, faire une pause-respiration. Vous observez alors la situation, ce que vous en ressentez, ce que vous en pensez et ce que vous voudriez faire.
Trois qualités facilitent l’accomplissement des tâches, souvent exigeantes, des parents : l’acceptation, la présence et la compréhension. Elles favorisent l’ouverture et le regard sans préjugés, qui permettent aux parents de voir les enfants et de se voir tels qu’ils sont, et non comme ils (ou d’autres) estiment qu’ils doivent être.
Faire attention, ça commence par la respiration
En dirigeant l’attention sur la respiration, vous êtes présent à ce qui se passe. Non pas hier, ni demain, mais ici, maintenant.
« Maintenant » : c’est ce dont il est question.
Dès que vous observez le mouvement de votre respiration, vous devenez un peu plus conscient de votre monde intérieur et du moment présent. Vous faites un pas vers davantage de concentration.
En initiant votre enfant à l’exercice de la grenouille (cf. livre) vous lui apprenez à :
- Améliorer sa concentration, ce qui lui permet de mieux mémoriser
- Réagir de façon moins impulsive (ne pas faire automatiquement ce qui passe par la tête)
- Exercer une influence sur son monde intérieur, sans condamner quelque chose qui y passe et sans essayer de le repousser
S’entraîner à l’attention
Les organes des sens – la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher – jouent aussi un rôle important dans l’apprentissage de l’attention.
Nous réfléchissons souvent aux informations que nos sens nous apportent. Nous les traduisons et nous les jugeons. Notre esprit produit, instantanément et sans arrêt, des idées à partir de ce que nous voyons, entendons, sentons, goûtons.
Quitter la tête, sentir le corps
L’attention à la respiration et aux organes des sens vous permet de vivre le moment présent. La prise de conscience du corps est une autre façon de procéder.
Votre corps peut vous dire beaucoup de choses, si vous prenez la peine de bien l’écouter. Il réagit aux émotions : la tension, l’angoisse, la peur, la joie. Il réagit à des idées agréables et à des ruminations. Ces signaux ne sont pas là pour rien. Ils vous renseignent sur l’expérience du moment présent, sur vos besoins et vos limites.
La pleine conscience vous apprend à quitter la tête pour sentir le corps. Si vous prenez la peine de vous arrêter un moment et d’accorder de l’attention à votre corps, vous pouvez observer que :
- Vous êtes encore irrité à cause de ce que l’on vous a dit hier
- Vous avez un sentiment de tristesse
- Vous êtes en pleine forme ou vraiment fatigué
- Vous avez trop mangé
- Vous êtes inquiet quand vous surveillez un groupe d’enfants
- Vous devez aller aux toilettes depuis un moment, mais vous ne vous en êtes pas donné le temps
En apprenant aux enfants à écouter les signaux de leur corps, vous leur apprenez que le corps ne sert pas seulement à réaliser des intentions, mais qu’il délivre des signaux qu’ils peuvent prendre conscience.
Les enfants apprennent ainsi qu’ils peuvent sentir la fatigue, l’énergie, la saturation. Ils apprennent qu’ils ne doivent pas se mettre à réfléchir à ce qu’ils éprouvent, mais qu’ils ont intérêt à sentir, à reconnaître et à prêter de l’attention, et qu’ensuite ils peuvent choisir : qu’est-ce que je fais de ce que je ressens ?
Les limites indiquent jusqu’où aller, quand on mange, qu’on fait du sport ou qu’on taquine quelqu’un. Les enfants ne perçoivent pas bien les limites, ils doivent apprendre à le faire.
Pour les parents cette question n’est pas toujours évidente. Ni le laisser-aller ni l’autoritarisme ne sont de bonnes solutions. Fermeté et flexibilité sont des attitudes essentielles pour établir des limites. Il est également important d’apprendre à votre enfant à ressentir consciemment quand c’est « assez ».
« Assez » : ce n’est pas trop, ce n’est pas trop peu, c’est tout juste ce qui est bien.
Orage en vue
Un changement d’humeur ou des émotions violentes peuvent surgir à tout moment.
Le bulletin météo personnel peut aider votre enfant à comprendre son monde intérieur. Il vous permet d’explorer son humeur et de l’aider à accepter.
En restant en contact avec votre enfant, sans vous opposer à l’averse qui se produit, vous pouvez lui apprendre à ne pas s’opposer à ses sentiments et à laisser, de façon délibérée, les sentiments tels qu’ils sont. Reconnaître des sentiments négatifs permet d’accepter qu’ils puissent survenir. Ensuite vous pouvez réfléchir ensemble à ce qui est souhaitable : une caresse ? Chercher ensemble comment résoudre un problème ? Ou tout autre chose.
En tant que parents, c’est aussi l’occasion d’examiner de près vos sentiments et votre tendance à réagir de façon automatique. Vous observez ce qui se passe en vous. Quand bien même vous n’êtes pas en mesure de résoudre toutes les difficultés, vous pouvez rester proche, permettre à votre enfant d’exprimer ses émotions et de les accepter. Vous lui montrez que vous êtes à ses côtés et que vous l’aimez, quelles que soient les « conditions météo ».
Gérer les émotions désagréables
Les émotions sont des réactions à ce que vous vivez, pensez ou réalisez. Les émotions de base sont la peur, la colère, la tristesse et la joie. Vous les ressentez toujours dans votre corps. Les émotions agréables ou désagréables peuvent vous entraîner avec force.
Si vous apprenez à vos enfants à reconnaître leurs émotions, à les sentir et à les supporter, vous leur procurez un apprentissage fondamental.
Les enfants comme les adultes peuvent se trouver profondément perturbés par des émotions intenses. Ils ne savent pas comment les gérer. Dans votre rôle de parent, il est utile de leur apprendre à oser se confronter à ces émotions, à oser leur accorder une pleine attention.
Les enfants s’apaisent lorsqu’ils comprennent que l’on peut accueillir, avec compréhension, la tristesse, l’angoisse, la colère ou la joie. Ils apprennent ainsi à gérer la violence du « temps météo ». Ils apprennent que les émotions passent, comme les averses.
La fabrique des ruminations
On se met à ruminer dès qu’on veut que les choses soient autrement qu’elles ne sont.
Il nous arrive souvent de ressasser des idées, mais la plupart du temps nous ne nous en rendons pas compte ; nous avons trop de pensées, d’opinions, de jugements et de doutes sur un tas de choses.
Les pensées sont comparables à de petites voix que vous entendez à l’intérieur de votre tête. Ces voix n’arrêtent pas de parler. Elles se mêlent de tout, elles ont une opinion sur tout. Les pensées concernent ce que vous trouvez difficile ou agréable, ce que vous voulez devenir ou ce qui, la semaine passée, était si énervant. Elles concernent le passé, le présent, l’avenir. Elles sont toutes produites par la fabrique d’idées.
En fait, vous ne pouvez pas arrêter l’apparition d’idées. Ce n’est d’ailleurs pas nécessaire. Mais quand les pensées menacent d’envahir vos enfants, vous pouvez leur appendre à ne plus écouter le flot des pensées. Vos enfants peuvent diriger leurs pensées. Et s’ils arrivent à le faire, ils peuvent exercer une influence sur elles, ils apprennent à ne pas faire tout ce que leurs pensées racontent, à ne plus croire tout ce qui leur passe par la tête. Beaucoup de pensées ne sont pas vraies (« je pense que je suis laid, que personne ne va m’inviter »).
Les pensées défilent toujours à vive allure, mais vous avez le choix de les suivre ou de les observer pendant un moment et de les laisser ensuite continuer. Vous pouvez d’emblée les croire ou alors les reconnaître, en souriant, comme de vieilles connaissances qui surgissent souvent à l’improviste et racontent des histoires.
Notre esprit nous mène dans des endroits où le doute, l’angoisse et le manque de confiance en soi sont tapis dans l’ombre. Parfois, les pensées ne cessent de tournoyer et cela nous empêche de dormir.
Être gentil, c’est agréable
La gentillesse est l’une des qualités les plus essentielles de l’être humain. C’est comme une douche de pluie qui arrose tout, sans oublier la moindre portion de terre. La gentillesse ne juge pas, elle n’exclut pas. Elle permet de grandir, d’avoir confiance en soi et dans les autres. Elle console, soigne.
Nous apprécions tous les compliments. Nous sommes touchés quand quelqu’un nous dit ce qu’il apprécie chez nous. Certains conservent dans leur cœur, comme un joyau, des compliments sincères et des remarques aimables.
C’est agréable d’être aimable, y compris pour soi-même.
Patience, confiance et lâcher prise
Notre vie serait bien plus agréable si nous avions la patience d’une chenille qui attend dans son cocon de devenir papillon, si nous avions la confiance d’un nouveau-né et si nous pouvions lâcher prise comme une feuille en automne. Mais nous voulons souvent que les choses soient autrement qu’elles ne sont : meilleures, plus sûres, plus belles, plus faciles ou comme elles étaient autrefois. Nous éprouvons tous à certains moments, de la déception, la tristesse d’être seul, l’angoisse que les choses ne s’arrangeront jamais. Dans ces moments surgit un puissant désir que les choses adviennent autrement. Mais les désirs nous portent toujours vers ce que nous n’avons pas, plutôt que vers ce que nous avons. Comment les gérer, sans être obnubilé par ce que l’on voudrait et que l’on n’a pas ?
Et pour finir...
Façonner une façon de vivre en pleine conscience avec votre enfant lui montrera, plus que des explications, comment faire attention à ses émotions, à ses pensées et comment faire face à toutes sortes de frustrations. Cela l’aidera à être gentil avec lui-même, avec d’autres et pas à pas, à devenir moins réactif et moins impulsif ! La compassion, la patience et le lâcher prise par rapport aux attentes constitueront une base solide pour cela.
Les neurosciences révèlent que, lorsque les enfants suivent un programme de méditation de huit semaines, avec une seule séance par semaine, certaines zones du cerveau dévolues aux fonctions exécutives (comme les capacités à planifier, à organiser, à se contrôler, à résoudre les problèmes, à penser out-of the box) ainsi que la compassion et la confiance en soi sont boostées. Les graines ont besoin d’eau et de soleil pour devenir des fleurs. De la même façon, nos enfants ont besoin de présence et d’attention pour s’épanouir.
Avec de la patience et du courage, les talents et les qualités de vos enfants qui étaient parfois cachés peuvent se déployer sous vos yeux, à mesure qu’ils grandissent.
Les enfants n’écoutent pas toujours bien, mais ils copient très bien. C’est pourquoi l’exemple que vous leur donnez est très important !
Nous sommes dotés de neurones miroirs, et si votre relation est faite d’attention, d’écoute et de soin, vos enfants vous imiteront naturellement. Même dans les situations difficiles.